Au lendemain de la présidentielle, les Nigérians dans l'attente des résultats

Les opérations de décompte se poursuivent dimanche au Nigeria, où une course serrée oppose les trois favoris à la présidentielle de samedi, qui s'est globalement déroulée dans le calme malgré quelques incidents sécuritaires et des couacs logistiques Le dépouillement et le décompte des suffrages se poursuivent, dimanche 26 février, au Nigeria, au lendemain de l'élection présidentielle. Plus de 87 millions d'électeurs étaient appelés à choisir parmi 18 candidats la personne qui aura la lourde tâche pendant quatre ans de redresser le pays le plus peuplé d'Afrique, plombé par une économie en berne, les violences récurrentes de groupes armés et de bandits, ainsi qu'un appauvrissement généralisé de la population. "Nous sommes heureux ce matin, car nous avons assisté à l'une des élections les plus pacifiques que le Nigeria a connu", s'exclame Orubibi Digboho, un mécanicien de 27 ans à Lagos. Comme Juliette Ogbonda, de nombreux électeurs sont restés pour compter à voix haute pendant que les agents électoraux dépouillaient les bulletins à la nuit tombée. "Je veux m'assurer que cette élection est transparente, libre et juste", expliquait cette réceptionniste de 30 ans, à Port Harcourt (sud-est). Le vote s'est effectivement globalement déroulé dans le calme, malgré quelques incidents sécuritaires et des couacs logistiques. Le transfert électronique et la publication des résultats bureau par bureau semblaient cependant prendre beaucoup de retard, attisant les craintes d'une manipulation des votes, alors que les scrutins précédents ont été entachés par des accusations de fraudes. La veille au soir, dans certains bureaux à Lagos (sud-ouest), des foules d'électeurs filmaient en direct dans la nuit avec leur smartphone les dépouillements, comptant à voix haute les bulletins avec les agents électoraux, dans une ambiance festive. Les même scènes ont été observées à l'autre extrémité du pays, à Kano (nord). Possible second tour À Port-Harcourt (sud-est) d'autres électeurs sont restés après les dépouillements réclamant notamment la destruction des bulletins non utilisés : "Nous protégeons nos votes", dit fièrement Robert Ihuoma, un data-analyste de 38 ans qui est parti en même temps que les agents électoraux, épuisés de fatigue. Parmi les candidats en lice, trois sont favoris : Bola Ahmed Tinubu, candidat du parti au pouvoir (APC), Atiku Abubakar, du principal parti d'opposition (PDP), et Peter Obi, soutenu par le Parti travailliste. Pour être élu dès le premier tour, le vainqueur doit obtenir, outre la majorité des suffrages exprimés, au moins 25 % des voix dans les deux tiers des 36 États de la fédération auxquels s'ajoute le territoire de la capitale fédérale, Abuja. Sinon un second tour devrait avoir lieu dans les 21 jours. Il s'agirait d'une situation inédite depuis le retour à la démocratie en 1999. Lenteur du réseau Légalement, la Commission électorale a 14 jours pour rendre publics les résultats, mais ils pourraient être connus dans les prochains jours, voire heures. Les données recueillies dans les quelque 176 000 bureaux de vote sont censées remonter plus rapidement que lors des élections précédentes à Abuja grâce au transfert électronique des résultats, expérimenté pour la première fois au plan national. Mais dimanche matin, sur le portail de la Commission, aucun résultat pour la présidentielle n'avait encore été publié. Le groupe d'observation Yiaga Africa s'est dit "profondément préoccupé" par ces retards. Samedi soir, dans un centre de comptage à Port Harcourt, plus de 300 agents, épuisés, tentaient désespérément de télécharger les résultats sur des machines. Mais face à la lenteur du réseau, aucun n'avait réussi à 21 heures. Dans l'ensemble, le scrutin s'est déroulé pacifiquement, selon plusieurs observateurs, même si le président de la Commission électorale a reconnu que des incidents sécuritaires avaient "perturbé le vote" dans plusieurs endroits, notamment à Lagos et dans le sud-est du pays. Le cabinet d'analyse SBM Intelligence a dit avoir documenté des "actes d'intimidations et de violence" localisés contre les électeurs ou les bureaux de vote dans au moins 13 États pendant la journée de samedi. Ce scrutin est crucial : le Nigeria – 216 millions d'habitants – devrait devenir en 2050 le troisième pays le plus peuplé au monde, tandis que l'Afrique de l'Ouest est menacée par un fort recul démocratique et la propagation de violences jihadistes.